Semaine de la Critique de Kiev
Une semaine d'échange
Pour la première fois cette année, la Semaine de la Critique de Kiev et le SFCC se sont associés pour donner corps à une semaine dédiée à la critique. Ce moment d'échange consistait à ce que trois critiques ukrainiens élisent trois films français récents, et vice-versa avec trois critiques français pour des films ukrainiens récents.
Nous avons été heureux que nos adhérents, Juliette Goffart, Olivier Pélisson et Léo Soesanto aient participé à cette semaine de la Critique au festival de Kiev, même si cela s’est effectué par écrans interposés.
Cette collaboration avec les critiques ukrainiens et les échanges de cinématographie qui ont eu lieu entre eux ont été passionnants. En espérant un dialogue en chair et en os pour 2021 ! Longue vie au Festival !
Bons baisers d'Ukraine par...
Olivier Pélisson
Verdict des trois films français récents et élus par le trio critique ukrainien : L’Angle mort de Patrick Mario Bernard & Pierre Trividic, Terminal sud de Rabah Ameur-Zaïmeche et Tu mérites un amour d’Hafsia Herzi. De notre côté, Juliette, Léo et moi avons choisi une triplette hétérogène : Atlantis de Valentyn Vasyanovych, quête pacifique stylisée, sur fond de traumatisme, dans l’Ukraine d’un futur proche, un an après la guerre ; Bad Roads de Natalia Vorozhbit, fable à tensions multiples sur la destinée, sous forme de film à sketches, et Numbers d’Oleg Sentsov et Akhtem Seitablaev, dystopie sur une société totalitaire où le pouvoir est renversé, dans un dispositif évoquant Dogville. Chacun.e a ensuite accompagné l’un des titres par un texte et une vidéo de présentation, et en animant via écran un question/réponse avec chaque cinéaste, à l’issue de la projection en salle à Kiev. Plaisir et privilège de découvrir des œuvres inédites en France, et de pouvoir les défendre à plus de deux mille kilomètres, malgré les empêchements sanitaires. L’exercice critique est aussi un engagement, et cette collaboration bilatérale symbolise plus que jamais l’ouverture à l’autre, et l’accès à la culture comme respiration essentielle.
Juliette Goffart
La préparation du festival de Kiev a commencé assez tôt par une sélection de films en juillet : par visioconférences, nous avons choisi une dizaine de films français pour nos homologues critiques ukrainiens, et avons reçu six films ukrainiens à voir en liens. L’enjeu était d’en sélectionner trois de chaque nationalité, les ukrainiens présentant au festival les cinéastes français ainsi que leurs films, et les français les ukrainiens. La plupart des longs-métrages que nous avons reçus tournaient autour de l’expérience encore très récente de la guerre et de l’occupation. Mais nous avons pu en apprécier la variété de traitement, allant de la tragédie densément poétique à l’action movie mainstream ou à la comédie pleine d’humour noir. Un problème s’est néanmoins posé du côté ukrainien : deux cinéastes français sur trois ont d’abord refusé de se participer au festival en visioconférence, pointant ainsi les limites d’une édition en ligne. Malgré notre participation au festival en visioconférence, l’expérience du ciné-débat avec les cinéastes et le public ukrainiens s’est avérée très émouvante et enrichissante. Pour ma part, c’était un vrai bonheur de discuter avec la réalisatrice Natalia Vorozbhyt de Bad roads, son film de guerre… au féminin !
Léo Soesanto
J’ai trouvé l’ensemble du processus assez organique, avec une curiosité réciproque pour les réalités cinématographiques de chaque pays, des convergences (de Kiev à Paris, nous adorons tous nous étendre sur les films). Nous avons voulu rendre compte de la diversité du cinéma français, en allant au-delà des clichés connus à l’étranger d’un certain cinéma d’auteur bien bourgeois, bien installé. Nos collègues ukrainiens nous ont ouvert la fenêtre sur un cinéma beaucoup moins confortable, plus étouffant. Rappelons qu’Oleg Sentsov a co-réalisé Numbers lorsqu’il était en prison en Crimée (sous prétexte de « préparer des attentats terroristes »), envoyant ses notes et instructions par la poste. Pardon pour l’analogie, mais c’était en phase avec notre situation de sélectionneur/critique confiné empêché de dialoguer sur place à Kiev avec les cinéastes et critiques. Une certaine poésie ironique donc. C’est une expérience définitivement à réitérer, en chair et en os la prochaine fois, on l’espère. Pour citer Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang, « l’exercice a été profitable ».
Les films
L'ANGLE MORT
de Pierre Trividic & Patrick Mario Bernard
France
Durée : 104'
Production : Agat Films & Cie / Ex Nihilo
Distribution : Rouge Distribution
TERMINAL SUD
de Rabah Ameur-Zaïmèche
France
Durée : 96'
Production : Sarrazink Productions
Distribution : Potemkine Films
TU MÉRITES UN AMOUR
de Hafsia Herzi
France
Durée : 102'
Production : Les films de la bonne mère
Distribution : Rezo Films
ATLANTIS
de Valentyn Vasyanovych
Ukraine
Durée : 106'
Production : Studio Garmata Film, Limelite
BAD ROADS
de Natalya Vorozhbit
Ukraine
Durée : 105'
Produciton : Kristi Films (UA)
NUMBERS
de Oleg Sentsov & Akhtem Seitablaiev
Ukraine / Pologne / République Tchèque / France
Durée : 104'
Produciton : Apple Film / Czech Television / Česká televize / Canal+ / Polska / Halley Production / 435 Films (UA)