Longue vie aux Cahiers du cinéma !

Édito du Président

838_cahier_cinemaCrédits image : SL - Radio France


Lorsqu’une rédaction annonce sa démission en bloc dans un communiqué de presse, l’inquiétude est forcément vive. Surtout lorsqu’il s’agit d’une revue comme Les Cahiers du cinéma que nous avons toujours connue et avec laquelle, que nous partagions ou non les opinions qui s’y expriment, notre cinéphilie s’est nourrie. Même si depuis la publication de son communiqué jeudi soir sur le site d’Acrimed, il apparaît que ce n’est qu’une partie (et non la totalité) de la rédaction1, qui a fait jouer la clause de cession, le Syndicat Français de la Critique de Cinéma ne saurait rester indifférent à pareille nouvelle. À nos confrères démissionnaires, dont nous saluons le départ la tête haute, nous ne pouvons que souhaiter de retrouver au plus vite une tribune où ils pourront exprimer en toute liberté la défense d’un cinéma conforme à leurs désirs.

Pour autant, rien ne nous permet de condamner par avance le collectif de repreneurs (banquiers, patrons de presse et personnalités du cinéma) qui se sont associés pour racheter Les Cahiers du cinéma. Rappelons plutôt que pour l’heure leur intervention permet à ce titre historique de ne pas disparaître, après un long flou quant à sa pérennité.

Nous serons bien sûr vigilants quant au soupçon d’ingérence dans le contenu de la revue pour favoriser les productions de l’un ou de l’autre des repreneurs. Il ne nous appartient toutefois pas de reprocher aux nouveaux propriétaires de vouloir changer le cap actuel de la revue et de son équipe. Peut-être s’agit-il simplement de ne pas se montrer d’emblée suspicieux de choix et décisions qui ne sont pas nécessairement simples à prendre : le renouvellement de l’équipe en place depuis onze ans qui peinait – c’est un fait, avec le passage sous la barre fatidiques des 15000 exemplaires mensuels2 - à endiguer l’hémorragie de lecteurs quand il y a seulement vingt ans les choix et découvertes de la revue étaient célébrées dans le monde entier. Que ce retour à une large ouverture sur le cinéma français et étranger passe aussi par l’appropriation de l’outil numérique, déterminant aujourd’hui pour récupérer un public jeune qui n’achète plus de presse,ne paraît pas davantage relever de la compromission. D’autant que la crise de la presse papier est accentuée par les menaces qui pèsent ces derniers temps sur Presstalis, son principal distributeur

Défions-nous donc des procès d’intention et croisons les doigts pour qu’on puisse continuer longtemps à lire des Cahiers du cinéma qui fassent honneur à leur noble héritage. Un héritage qui, rappelons-le s’est bâti, au gré des révolutions rédactionnelles et changements d’équipes parfois très brutaux, qui se sont succédés depuis 1951.

Philippe Rouyer

Philippe Rouyer
Le 3 mars 2020

1 Selon l’article d’Elsa Keslassy paru dans Variety (28-02-2020), sept critiques, dont le rédacteur en chef et le rédacteur en chef adjoint, ont fait jouer cette clause de cession.

2 12 272 en moyenne mensuelle en 2019 (Diffusion France Payée, source OJD), alors que la revue se situait toujours au-dessus des 20 000 exemplaires (avec des pics à plus de 30 000), depuis la relance du titre au début des années 80.