Les Critiques sont-ils ceux que vous croyez ?
Réponses de Eva Bettan
1. De quel milieu social êtes-vous issu(e) ? Venez-vous de Paris ou de province ?
Je suis née au Maroc, à Casablanca, je suis venue à Paris à 16 ans pour faire mes études (Sciences Po) et je suis restée à Paris. S'il fallait définir mon milieu d'origine, je dirais moyenne bourgeoisie, c’est-à-dire vie aisée, sans que ce soit la richesse
2. Quelle est votre expérience des rapports entre hommes et femmes au sein du milieu de la critique ?
Critique cinéma à France Inter depuis 1989, sans discontinuer, j'ai eu la chance d'être en CDI, ce qui n'est pas le cas de tous mes confrères critiques cinéma, hélas. Travailler dans le secteur public est une chance. Je n'ai pas eu à souffrir de rapports hiérarchiques pervers ou abusifs au sein de France Inter, et mes rapports avec les critiques, hommes et femmes, travaillant dans d'autres médias ont été cordiaux, parfois même amicaux, et toujours égalitaires.
3. Quelle est votre manière de pratiquer (ou pas) la politique des auteurs ?
Pour moi, la personne la plus importante dans un film est le réalisateur, j'ai plutôt tendance à interviewer les réalisateurs, et j'aime suivre leur travail sur la durée.
4. Dans quelle mesure vos relations – amicales, professionnelles ou mondaines – avec les cinéastes et les autres critiques peuvent-elles parfois avoir une influence sur votre manière de parler des films ?
Je ne suis pas mondaine du tout.
J'ai des relations d'estime avec quelques cinéastes, acteurs, distributeurs, producteurs, mais cela ne va pas au-delà, pas jusqu'à l'amitié. À quelques très rares exceptions près, mais dans ces cas-là, jamais ces personnes ne se sont permis la moindre demande, et je les ai traitées comme tout le monde.
Le “problème” est plutôt entre moi et moi… Il y a des cinéastes, surtout des cinéastes français, que je "suis", pour certains depuis leur premier film, et que j'interviewe quasiment à chaque film car je trouve leur travail passionnant. Mais il peut arriver qu'ils ratent un film, ou qu'un film soit plus faible que les précédents. C'est difficile de critiquer, car on pense à la peine qu'on va faire, mais il faut le faire. Je le fais (comme pour tous les cinéastes, quelle que soit la relation que j'ai avec eux) en essayant d'étayer la critique sur le fond, et de ne pas être blessante. Je déteste le “numéro de claquette”, ce serait si facile d'être brillante, drôle, en étant méchante...
5. Comment votre activité critique cohabite-t-elle avec le fait de faire des films ou le choix de ne pas en faire ?
Aucun problème. Mon métier est d'être journaliste. Je l'aime passionnément, je n'ai jamais eu envie d'en faire un autre. Je n'ai jamais eu l'envie de faire de films. Ce n'est pas mon métier.
6. Existe-t-il un principe moral que vous vous interdisez de transgresser dans le cadre d’une critique ?
Mes principes moraux : je détiens, de fait, un pouvoir, celui, à France inter, de m'adresser à un très grand nombre d'auditeurs, et de donner mon avis sur les films.
Je suis mon seul juge : à moi de ne pas abuser de ce pouvoir.
En travaillant tout d'abord, c'est la moindre des choses, en faisant attention au poids des mots, en ne pensant pas que la vedette c'est moi.
Et aussi en profitant de cette chance que j'ai de pouvoir m'exprimer en toute liberté pour être une "passeuse", pour faire connaître des artistes du monde entier au plus grand public : Français et Américains, bien sûr, mais aussi Iraniens, Israéliens, Coréens...
7. Identifiez-vous une spécificité de la génération de critiques à laquelle vous appartenez ?
Une cinéphilie joyeuse.