Next Generation
Conversation avec Occitane Lacurie & Barnabé Sauvage (Débordements) et Corentin Lê & Josué Morel (Critikat)
Au mois de septembre dernier, au moment où la presse papier faisait front commun pour solliciter une augmentation de l’aide aux revues du CNC (voir entretien avec Eugénie Filho et Fausto Fasulo), les revues en ligne Critikat et Débordements postulaient elles aussi à cette aide, en joignant à leurs dossier un courrier commun, revendiquant la légitimité et l’utilité d’un soutien à la presse en ligne. C’était l’occasion de faire, avec les têtes pensantes de ces deux titres, le point sur une presse (et une génération) extrêmement active et inventive, qui aborde avec un regard neuf l’exercice critique dans toutes ses dimensions, qu’il s’agisse de la question économique, de la diversité de ses objets d’étude ou des moyens de dialoguer avec le public.
Or il se trouve qu’il y a 10 ans tout juste était parue dans les Fiches du Cinéma une interview croisée faisant dialoguer, via un questionnaire, quatre revues en ligne, jeunes ou toutes neuves : Critikat et Débordements déjà (représentés alors respectivement par Clément Graminiès et Raphaël Nieuwjaer), et puis deux autres, aujourd’hui disparues : Indépendencia et Zinzolin (représentés par Eugenio Renzi et Simon Lefebvre). Nous sommes partis du bilan de ces dix années pour lancer la discussion.
Dix ans après
Nicolas Marcadé : Depuis la table ronde, publiée il y a dix ans, que je vous ai soumise, la situation économique des revues en ligne n’a pas tellement évolué. Est-ce que votre approche du problème, elle, a changé ?
Josué Morel : Une chose n’a clairement pas bougé : ces revues existent uniquement grâce au travail de rédacteurs bénévoles et de passionnés qui n’écrivent pas dans une logique de rétribution financière. A mon avis, l’enjeu est de préserver cette passion, cette fraîcheur de regard. Si l’on commence à courir après les financiers, ou à vouloir mettre sur pied un modèle économique viable sur Internet, on s’expose, du moins c’est mon point de vue, à une frustration certaine, voire au risque de s’abîmer. Sans vouloir parler à sa place, j’ai l’impression que c’est un peu ce qui est arrivé à mon prédécesseur à Critikat, Clément Graminiès, qui a cherché deux ans avant son départ à transformer le système de la revue, sans que le projet ne puisse aboutir. Moi, je ne veux pas que cette situation me frustre ; il me semble préférable d’embrasser d’emblée une forme de pauvreté dans l'exercice de la critique en ligne, et de ne pas se bercer d’illusions sur la possibilité de tirer une rémunération de ce que l’on publie sur Internet. Pour autant, ce n’est pas parce que les critiques sont bénévoles qu’une revue est tout à fait viable sans ressources. Il y a tout de même un besoin de la financer, a minima.
Occitane Lacurie : J'ai l'impression que nous, ce qui nous a rapprochés, à un moment donné, c’est le fait de tous nous demander : qu'est-ce que ça nous coûte, à nous, de faire de la critique, de continuer à faire exister ces espaces à la force du poignet ? Qu'est-ce que cette fonction exige de nous ? Quelle position elle nous oblige à adopter dans ce milieu-là ?
Barnabé Sauvage : Il y a dix ans, c'était encore le début de la critique sur Internet. Elle voulait faire vivre une certaine dimension utopique - je crois que le mot était employé - de l'expression critique, en cherchant notamment à abolir la distance entre l'auteur ou l'autrice de la critique et son lectorat. À l'époque, c'était Raphaël Nieuwjaer qui parlait au nom de Débordements, et il avait fait sien ce vœu de pauvreté dont on continue à parler aujourd'hui, cette éthique du bricolage, cette idée de la revue en ligne comme espace invitant à accepter que la critique puisse être un sacerdoce. Cette forme critique avait accepté les règles économiques, si défavorables qu'elles soient, et cherché à en tirer le plus grand profit en terme d'indépendance ou de position critique. À l'époque, et à ma connaissance, la possibilité d'une subvention publique n'était pas du tout dans les coordonnées de la conversation. La position de notre génération a évolué. Nous sommes tout autant conscients que cette critique ne serait pas un travail rémunéré par le biais d'abonnements ou de critiques payantes, mais nous avons désormais l'idée de nous tourner vers un autre mode de financement, à travers le soutien public, et du CNC en particulier. Ce qui est une autre façon de poser la question, de manière également politique à mon avis, de la rémunération de la critique culturelle en générale, et cinématographique en particulier.
Josué Morel : Concernant l’entretien d’il y a dix ans, il faut pointer également un fait éloquent : seule la moitié des publications qui participaient alors à la table ronde a survécu. Et plus largement, les revues qui existent aujourd’hui sur Internet se comptent sur les doigts d’une main.
Occitane Lacurie : Internet, à un moment donné, ça a été un besoin pour des gens, qui ont fait ça comme une aventure, pour être lus. Et ça a marché, ce qui était un petit miracle. Mais sur le long terme les portes ne se sont pas ouvertes, ou alors au compte-gouttes, ou sur le modèle de l'auto-entreprenariat.
Josué Morel : C'est vrai, et pour continuer le jeu des comparaisons, ce qui a changé depuis dix ans, c'est qu'on a désormais tous plus ou moins un statut hybride : on anime des revues en ligne, et en même temps, on pige pour d’autres titres. J’écris un peu pour les Cahiers, Corentin collabore à AOC et Trois couleurs, Occitane, tu participes à Mediapart...
Barnabé Sauvage : Moi je suis fonctionnaire, même si j'enseigne actuellement à la fac en tant que contractuel
Occitane Lacurie : Moi je suis doctorante contractuelle jusqu'à la fin de l'année.
Corentin Lê : Moi, je me suis rendu compte que la critique en tant que métier, c'est-à-dire le fait d'écrire chaque semaine sur l’actualité des salles, ne correspond pas totalement à l’idée que je me fais de la critique. Car c'est un exercice qui se fait film par film, or il arrive que, pendant un mois, il n'y ait pas un film qui m'intéresse. J’en vient donc à vivre un peu de la critique, puis, le mois d’après, d’autre chose. Je n'envisage pas du tout la critique comme quelque chose de régulier. Ça dépend aussi des envies ou des besoins du moment. Je ne veux juste pas être enchaîné. Je cherche donc des espaces parallèles, comme Critikat, où on peut s'autoriser à parler d'autre chose, dans des formats différents, sur mesure. J'ai envie de prendre du plaisir en faisant de la critique, quitte à ce qu’elle devienne un loisir. Car, dans la situation actuelle, ce n’est peut-être que lorsque la critique n'est pas indexée à un enjeu financier, qu’elle est complètement libre.
L’hypothèse de l’aide publique
Josué Morel : Pour moi, cela reste un travail, mais un travail ludique, qui se fait de manière libre. Mais diriger une revue, comme je peux le faire à Critikat, cela ne relève certainement pas du loisir, quand bien même j’y prends beaucoup de plaisir. C’est à mon avis une donnée absolument nécessaire, cette question du plaisir. Il faut prendre du plaisir en écrivant (à quoi bon, sinon ?), et surtout transmettre ce plaisir aux lecteurs.
Occitane Lacurie : De la même façon que des tas de gens font les choses très sérieusement dans le milieu associatif. L'argent que l'on demande au CNC n’aurait donc pas pour but de nous rémunérer, ce serait plutôt l’équivalent de ce qu’est pour un club de foot, l’argent qui sert à payer les maillots et les trajets en car...
Nicolas Marcadé : Concrètement, quels sont vos frais ?
Barnabé Sauvage : Chez Débordements, ce sont avant tout les frais du serveur, qui sont minimes, mais qui restent à la charge de l'équipe.
Occitane Lacurie : Et c'est surtout les frais du travail d'archivage. À l’heure actuelle personne ne nous archive : si on meurt demain, tout ce que nous avons produit disparaît. C'est de la maintenance web, et toute la création de contenus qu'on fait en dehors, c'est-à-dire de la vidéo, des podcasts et bien sûr, toute la partie graphisme et webmaîtrise… Des travaux qu'on aimerait pouvoir rémunérer.
Nicolas Marcadé : Mais tout ça existe déjà, donc qui paye ?
Occitane Lacurie : Un peu nous tous. Même quand on fait des événements, on met de l'argent de notre poche. Ou du temps.
Barnabé Sauvage : Quand on a fait un ciné-club, il a fallu s'improviser communicant…
Josué Morel : Nous concernant, les dépenses recouvrent l’hébergement, puis vient ensuite un gros chantier : l’archivage. Car d'une certaine façon, il existe désormais un peu deux Critikat : la revue telle qu’elle se fait aujourd’hui et la base de données, qui contient à peu près 12 000 articles. Or le site n'est pas taillé pour être une base de données, il faudrait réorganiser notre moteur de recherche, repenser la classification des articles, repasser sur de nombreux papiers... On a aussi rencontré avant le Covid plusieurs problèmes juridiques liés à des questions de droits pour les images. Lorsqu’un visuel nous est donné par un attaché de presse, ou sur Allociné, on a le droit de l'utiliser sur une période de six ans, et la reconduction n'est pas tacite : ensuite, il faut payer. On est probablement parmi les premiers sites pour lesquels la question s’est posée, parce que les autres, à la fin des six ans en question, avaient disparu. Il faut dire aussi qu'on a une activité bénévole qui est particulièrement importante. Je fais grosso modo pour Critikat l’équivalent d’un 35h, en plus de mes autres activités critiques et d’un petit travail alimentaire. Corentin bosse aussi beaucoup... On aimerait pouvoir recruter un service civique pour faire du secrétariat de rédaction, travailler sur la base de données, faire de la communication, etc... Cela ne représenterait pas un coût délirant, autour de 100 euros par mois (puisque le reste est pris en charge par l'État), mais ce n’est pas rien, en particulier pour une structure comme la nôtre. Et puis il y a aussi la question des festivals que l’on couvre, et pour lesquels nous ne sommes pas défrayés...
Occitane Lacurie : Pareil pour nous... C'est de notre poche.
Josué Morel : Il y a aussi des choses qu'on a choisi de mettre en suspens. On a lancé un nouveau site début 2019, mais il reste des ajustements à faire. On s'appuie à la fois sur un fonds de trésorerie, sur un appel que l’on avait fait à nos lecteurs il y a deux ans, sur nos cotisations... On vit un peu sur nos réserves. Et le grand chantier que l’on souhaite financer, surtout, concerne la sensibilisation de notre lectorat à notre statut complètement indépendant et bénévole : on souhaiterait pouvoir mettre en place un système de collecte de dons directement sur le site, comme le font par exemple The Guardian ou Reporterre.
Corentin Lê : Ce qui est sûr, c'est que ça nous coûte plus que ça nous rapporte.
Thomas Fouet : Ce que vous demandez donc, en dehors de toute visée rémunératrice, c'est, de la part des pouvoir publics, la même reconnaissance que celle dont dispose le secteur associatif...Mais cela intervient dans un contexte de désengagement de ces mêmes pouvoirs publics du secteur associatif.
Josué Morel : Il y a un appel qui est organisé chaque année par le CNC pour apporter une aide financière aux revues. Cette aide est normalement ouverte aux revues numériques, mais les règles restent un peu ambigües... Dans l'absolu, les sites internet ne sont pas éligibles, mais les “revues numériques”, oui. Et cette distinction-là pose problème...
Barnabé Sauvage : Nous c'est la troisième année qu'on fait la demande ; la première, on nous l'a refusée parce qu'on était considéré comme un blog. C’est pour cette raison que nous faisons désormais des numéros en PDF, afin de démontrer, si c'était encore nécessaire, la continuité existant entre le format papier et celui d'Internet.
La Trahison de l’algorithme
Josué Morel : Il y a un autre tournant à mon avis qui explique en partie la difficulté que rencontrent aujourd’hui les revues sur Internet, même si nous sommes personnellement épargnés, parce qu’on existe depuis presque vingt ans et que la revue est bien référencée : le changement des règles sur les réseaux sociaux, et notamment sur Facebook. Avant, lorsqu’on était abonné à une page, on voyait automatiquement ses publications. Et puis, vers 2015-2016, il y a eu une rupture, pour favoriser le recours à la publicité. Il se produit en ce moment un changement analogue pour les artistes sur Instagram : l’outil dont ils se servaient pour rendre leur travail visible est en train de se retourner contre eux. Pour nous, l’effet reste minime, parce que nos lecteurs ne viennent pas en priorité des réseaux sociaux, mais accèdent au site directement, passent par les moteurs de recherche ou par une plateforme comme Allociné. Mais pour une revue émergente, la donne n’est certainement pas la même.
Occitane Lacurie : Aujourd’hui sur Facebook, chaque page doit payer pour augmenter la visibilité de ses posts. Avant, quand tu likais un post, les autres le voyaient, ce qui favorisait une sorte de diffusion en réseau : il y avait la possibilité d'un bouche-à-oreille exponentiel. Désormais ce bouche-à-oreille est devenu payant. Nous, on l'a clairement vu dans nos statistiques : le décrochage a été important.
Barnabé Sauvage : Je pense qu'il y a eu aussi, au début, une phase d'accumulation primitive, durant laquelle les gens s'abonnaient à beaucoup de choses sur les réseaux sociaux. Forcément, au bout d'un moment, les fils Facebook, Instagram ou Twitter ont été surchargés, ce qui a ensuite nécessité un second mouvement de sélection et de mise en avant de certains contenus. Mais comme désormais plus personne ne va sur les différents sites pour vérifier la publication de nouveaux contenus, en se contentant du service offert par le fil d'actualité centralisé, les pages les moins mises en avant comme les nôtres en pâtissent forcément.
Josué Morel : Ce qui est en train de disparaître, au fond, c'est le web 2.0, c’est-à-dire un web ouvert. Corentin m'expliquait il y a quelques mois que son petit frère n'allait pas directement sur un navigateur pour s’informer, mais qu'il passait directement par des applications. Or les applications sont des espaces fermés. Moi, quand j’ai commencé à découvrir ce qui se disait sur les films, je fréquentais des forums, dans lesquels on trouvait des liens, des renvois vers d’autres sites, etc. Maintenant, quand on est sur Instagram, YouTube et même Facebook, qui essaie désormais d'encourager ce qu'on appelle les “contenus natifs”, tout s’organise pour que l’on reste sur la plateforme. On n'en sort pas.
Occitane Lacurie : Toutes les revues en ligne ont participé à faire monter ces plateformes, en créant de l'intérêt, de l'engagement, auprès des gens qui les utilisaient pour accéder à des contenus externes. Mais maintenant ces mêmes plateformes passent aux contenus natifs. Donc on ne leur sert plus à rien. Désormais il faut juste que les gens passent le plus de temps possible à scroller, des vidéos sur Instagram par exemple.
Corentin Lê : Un exemple tout bête : on ne peut pas mettre de lien dans un post Instagram. On a donc de plus en plus de portes qui se ferment. En lisant la table ronde d'il y a dix ans je me suis rendu compte à quel point les enjeux n’étaient plus du tout les mêmes. Les jeunes de 20 ans, qui sont les lecteurs de demain, s’ils ne vont quasiment plus sur leur navigateur pour aller sur des sites indépendants par leurs propres moyens, comment vont-ils accéder à nos articles ? Qui va nous lire ?
Josué Morel : Ce qui est intéressant, par rapport à cette question de cette polarisation, c'est que ce sont exactement les mêmes termes que l’on retrouve dans les intitulés du CNC. C'est-à-dire que d’un côté, il y a une aide pour YouTube (qui est quand même une plateforme de plus en plus fermée), et de l’autre on finance les revues papier qui sont liées au livre. Mais nous, on se retrouve dans les limbes, dans un espace intermédiaire.
Barnabé Sauvage : Et pourtant on a participé à nourrir les deux. On a alimenté l'écosystème papier, puisque beaucoup de nos rédacteurs y sont ensuite passés, et de l'autre côté on a aussi alimenté la culture internet de la critique, et donc YouTube. On est arrivés à la fois trop tôt et trop tard, et notre force de travail a été captée, soit par les réseaux sociaux soit par les revues papier.
Entre le papier et YouTube
Corentin Lê : Il y a eu, peut-être, une erreur stratégique sur les dix dernières années. On a vu– et je m'inclus là-dedans – la presse web essayer de faire du papier sur Internet, et à côté de ça on se plaignait du fait que les YouTubeurs cinéma prenaient de plus en plus de place auprès des jeunes cinéphiles... Il aurait sans doute fallu se demander comment les atteindre plutôt que de les ignorer en partant du principe que la critique ne les intéresse pas.
Nicolas Marcadé : Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire pour ça ?
Corentin Lê : C’est, je crois, une question de formats, de ton et de langage. À un moment donné, quand on veut s'adresser à des gens qui ont vingt ans, on ne peut pas toujours employer des adverbes dont ils doivent chercher la définition, ou faire des paragraphes de 3 kilomètres (je caricature)...
Nicolas Marcadé : Mais le problème, ce n'est peut-être pas tant que ça les intéresse, mais qu'ils y aient accès. Par où est-ce que ça se passerait ?
Corentin Lê : Par la vidéo. Parce qu’ils ne lisent quasiment pas : ils écoutent, ils regardent. Je n'ai aucun préjugé sur cette forme de critique, qui serait plus orale, ou plus visuelle, et force est de constater que sur ce terrain, on a un train de retard. Mais j'ai confiance, je suis sûr qu’on peut trouver les solutions pour régler ce problème. Je suis en réflexion. J'arrive plus ou moins à visualiser ce qui manque. Car je sais, par exemple, que la manière dont je suis arrivé dans la critique ne correspond pas du tout au schéma classique : la salle, les revues papier, etc. Ce qui m’a conduit à la critique est avant tout lié à de nouvelles conditions d’accessibilité aux films et à de la vulgarisation. C’est par des vidéos de YouTubeurs pas terribles que je regardais quand j'avais 14 ans, et par un accès aux films en peer-to-peer, via BitTorrent... Ce n’est donc pas par la salle et l'expérience collective, mais en regardant illégalement des films sur un écran 12 pouces... Et des gens comme moi, il y en beaucoup plus qu'on le croit. Même si cela ne fait peut-être pas plaisir à entendre, il faut admettre le fait qu'on n'a pas forcément besoin de la salle pour devenir cinéphile, et qu'on n'a pas forcément besoin de lire les Cahiers du cinéma pour aimer la critique. De la même façon que je n'ai pas non plus besoin d'aimer lire (je lis peu de romans) pour avoir envie d'écrire.
Josué Morel : Effectivement, j'ai l'impression que le sentiment d'appartenance à une histoire de la critique s’est un peu perdu… Il y a des jeunes contributeurs de Critikat qui n’ont jamais vraiment lu les Cahiers ou qui n’ont pas du tout cette aspiration à potentiellement un jour y contribuer. Moi, quand j’ai commencé à lire de la critique, autour de 2010, cela représentait une espèce de Graal. C’est là que je suis tout de même un peu inquiet : des jeunes qui veulent écrire de la critique, il y en a, mais je vois moins de “fous de critique”, pour dire les choses ainsi, qui ont un appétit d’écrire toutes les semaines, qui ont dévoré tout Daney, Douchet et les autres, etc. Or il en faut pour maintenir la flamme.
Cela étant dit, il faut arrêter de prendre les jeunes pour des cons : il y a peut-être une tendance générationnelle à moins lire, ce qui est compliqué et peu agréable à admettre, mais par ailleurs, on a aussi de nombreux signaux rassurants. Occitane nous expliquait par exemple que le texte le plus lu de Débordements est leur traduction de Laura Mulvey. Nous, quand on a publié le texte d'Alexandre Moussa sur le livre d’Iris Brey, De la guerre entre féministes et cinéphiles…, qui est un texte très long et sans images, on a eu énormément de retours. Parce que, tout d'un coup, on abordait des questions qu'on ne retrouvait pas dans la presse papier. Plus largement, il ne se passe pas une semaine sans que l’on reçoive un mail de candidature ou des messages encourageants de jeunes lecteurs par mail, Facebook, etc.
Occitane Lacurie : Souvent des gens arrivent à ces textes parce qu’ils se disent : tiens, j'ai envie de faire mon devoir là-dessus, ça m'intéresse... On participe donc d'un autre écosystème qui est celui de la science en source ouverte.
Barnabé Sauvage : Ce qui marche aussi très bien, c'est le Précis d'analyse filmique de Gabriel Bortzmeyer (un long texte également), qui à chaque début de semestre bénéficie d'un ré-up. C’est une sorte de manuel, qui remplit un rôle qui a pu être celui d'Esthétique du film de Jacques Aumont, mais en condensé, et en gratuit. Ce qu'on va chercher chez nous, ce sont aussi des textes de recherche, sur des sujets qui commencent seulement à être évoqués en cours à l'université, la critique féministe par exemple. Si la traduction française de Mulvey remonte à chaque fois, c'est parce que, thématiquement, il traite de quelque chose qui, jusqu'à présent, n'a pas trop été traité dans les Cahiers (dans Positif, n'en parlons pas...). Et le texte d'Alexandre Moussa, c'est pareil : il aborde aussi des questions de genre...
Josué Morel : Il faut aussi peut-être s’autoriser, de façon générale à être moins timoré dans les formats que l’on propose. J’ai l’impression qu’il existe une peur générale d’être trop exigeant, de perdre le lecteur ou l’auditeur. Quand on a commencé à faire des vidéos à Critikat, on se posait beaucoup de questions sur le format. Parce que l’on sait, par exemple pour les podcasts, que statistiquement les auditeurs commencent généralement à décrocher d’un bloc audio unique (une séquence, une rubrique) au bout d’environ vingt minutes d’écoute. On essayait donc de se limiter à 30 ou 35 minutes maximum... Mais récemment, j'ai croisé un spectateur au cinéma où je travaille qui m'a dit qu'il m'avait vu dans une vidéo de Critikat... Avant de me glisser : « À la limite, faites plus long... Moi, quand des gens m'intéressent, j'aime bien que cela dure deux heures.» Et de facto on voit que c’est le cas, sur Youtube et ailleurs. Regardez le podcast de Bégaudeau, très suivi, alors même qu’il consacre plus d’une heure à un film unique.
Corentin Lê : Je pense qu’il y a là un espace à investir. D'un côté on a les YouTubeurs, de l'autre la presse papier, et il est tout à fait possible, avec beaucoup d'imagination, un peu d'ingéniosité et pas tant de moyens que ça, de faire de la bonne critique, exigeante et indépendante, sur YouTube. Et comme ça, on retourne petit à petit contre lui-même le système qui nous a ostracisés.
Josué Morel : Mais ça demande du temps.
Barnabé Sauvage : Et d'autres compétences techniques. Il faut savoir s'occuper de la caméra, du montage...
Corentin Lê : Justement, une bonne partie des quelques jeunes critiques et cinéphiles qui arrivent sont aussi familiers du montage vidéo, ce qui n'était pas forcément le cas de la génération juste avant.
Josué Morel : Je suis d'accord théoriquement, et en même temps, ce n’est pas si évident à mettre en place. Lorsqu’on a lancé la nouvelle formule de Critikat, j’avais tout de suite comme ambition de développer les vidéos et les podcasts. Or dans les faits la plupart des gens qui veulent faire de la critique s'orientent naturellement vers sa forme écrite.
Corentin Lê : Une question que l’on se pose peu, c’est aussi : qui lit la critique, au fond ? Autour de moi, en-dehors des cercles cinéphiles et universitaires, personne n'en lit. Je sais pourquoi. Et c’est un problème à mes yeux. J’aimerais trouver des formes qui permettent d’amener cette audience vers la critique. Si on ne parle qu’aux profs, aux CSP+ ou aux étudiants en cinéma – autrement dit à nous-mêmes –, rien ne va changer.
Josué Morel : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. J'ai quand même fréquemment affaire à des lecteurs qui m’expliquent que lire de la critique a changé leur manière de voir les films. Et ça crée quelque chose de très fort dans le rapport qu’ils tissent au cinéma. Quand je fais des stages ou des ateliers d'initiation à la critique, je le sens aussi. Il faut arrêter avec cette idée selon laquelle, au nom de la pédagogie, il ne faudrait ne pas parler de plans, ne pas être “jargonnant”... Quand on parle de forme, de manière précise, ça stimule les gens. Il ne faut pas avoir peur d’une certaine exigence dans notre manière de nous adresser à nos lecteurs.
Barnabé Sauvage : Mais on en revient à la discussion stratégique, celle de nos demandes d'aides au CNC : est-ce qu'on le fait en essayant de se rapprocher des revues papier, ou plutôt des autres formes ?
Nicolas Marcadé : Quels arguments avez-vous mis en avant ?
Barnabé Sauvage : On essaie de faire valoir une situation un peu centrale, avec la question de la formation des critiques de demain.
Occitane Lacurie : Nos trois grands axes, c'est : 1) une critique qui a le temps, et de la place, pour s'exprimer, 2) la partie création (on héberge sur le site des films d'artistes ou de la critique vidéo) et 3) la recherche, qui sert aussi à outiller les gens et se donne comme une ressource gratuite, sans collecte de données ni pubs. On vient pour beaucoup de l'université, on est attachés à ces choses-là. Mais il y a aussi une certaine idée de l'indépendance, et un positionnement politique : on pense tout de même qu'il y a dans la critique un problème de lissage politique – ou apolitique.
Thomas Fouet : Mais il y a aussi une question économique : avant, les gens pouvaient passer dix ou quinze ans dans la même revue, en être salarié, en CDI pourquoi pas, ça formait des sortes de communautés – ce qu'est avant tout une revue –, et maintenant, beaucoup pigent en même temps pour différentes revues papier et/ou différents sites Internet.
Corentin Lê : J’ai personnellement quatre emplois différents et trois statuts distincts, tous précaires : pigiste, artiste-auteur et chargé de cours. Heureusement qu'il y a Critikat pour me donner un sentiment de groupe. Mais le reste du temps, je suis tout seul. On ne sait pas où je suis, je rends des trucs à droite et à gauche, je suis un peu volatile...
Josué Morel : Par ailleurs, on veut mettre en avant les revues numériques existantes, mais aussi le fait que leur nombre s’est considérablement réduit, faute de soutien. Se pose aussi plus largement la question de la préservation des textes en ligne. Il existe des revues entières, comme Independencia, dont les articles sont aujourd’hui indisponibles.
Mort ou vif
Nicolas Marcadé – Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir un rapport d’“intimité générationnelle“ avec certains auteurs, comme ont pu en avoir certaines revues papier historiques ? Est-ce qu'on peut, par exemple, définir l'identité de Critikat ou Débordements, comme on pouvait définir celles des Inrocks ou des Cahiers, avec quelques noms de cinéastes ?
Corentin Lê : Dans quelques semaines sortent The Fabelmans de Spielberg, Venez voir de Jonás Trueba et De Humani Corporis Fabrica de Paravel & Castaing-Taylor. Je dirais que ce sont trois filmsqui représentent bien les différentes couleurs qu'on a dans la revue.
Barnabé Sauvage : Je ne pense pas qu'à Débordements, on écrive dans l'idée de défendre un ou plusieurs auteurs ; on a une ligne sans doute moins auteuriste, qui s'attache à des objets critiques (des figures, des types d'image, des rapports avec le public) qui ont autant à voir avec Marvel qu'avec d'autres formes de cinéma (dans des festivals de films d'artistes ou de documentaire, par exemple) et on essaie de construire une ligne critique à partir de ces objets très différents. Pour nous, ce qui importe, ça n’est pas tellement de suivre les pérégrinations, ou les malheurs, d'un cinéaste.
Josué Morel : Je ne pense pas que la vocation de la critique soit aujourd’hui de révéler des cinéastes. C’est davantage désormais le rôle des festivals. Et puis il y a souvent une sorte de romantisme, voire de jeu assumé, à tabler sur le succès d’un jeune cinéaste en devenir. Or un cinéaste, ça mûrit. Cela peut prendre du temps de trouver sa forme.
Occitane Lacurie : Pour nous, faire monter ou non les cinéastes, ce n'est peut-être pas la question. La critique en ligne, elle arrive tellement a posteriori... On vient aussi de la recherche, on est donc réconciliés avec cette idée de parler des films dans un second temps. Par ailleurs, j'ai l'impression que nous, on commence la critique, de plus en plus âgés, et de plus en plus diplômés. C'est presque à la sortie du Master que, pour certains, on s'y met. Et ça aussi, ça nous met dans une position, par rapport à la critique, et par rapport à notre lectorat, qui est différente. Antoine Thirion, quand il a commencé aux Cahiers, il avait 18 ans.
Corentin Lê : Je pense aussi à Jacques Perconte, que je suis depuis quelques années. J’ai souvent ressenti une forme d’indifférence polie à l’égard de ses films, dans la mesure où ils ne sortent pas en salles. Or j’ai peur que les choix que l’on peut faire en tant que critique soient soumis à l’industrie et non à nos désirs profonds. Ce que j'essaie d'apporter le plus possible, c'est aussi l'ouverture à d'autres formes d'images, ce qui peut être une bonne manière d'amener d'autres gens vers le cinéma.
Josué Morel : On appartient sans doute aussi à une génération qui fait moins la distinction entre ce qui se passe en salle et sur Internet. Pour moi, un film qui sort sur Internet peut être mis sur le même plan qu’une sortie salle. Perconte est un bon exemple : ses films ne passent pas par les circuits traditionnels, mais il s’agit pour nous de l’un des cinéastes français contemporains les plus importants. On traite donc à Critikat la mise en ligne de ces films au même titre que les sorties de la semaine.
Barnabé Sauvage : Nous, on a un ciné-club au Saint-André-des-Arts, et notre ligne critique, c'est de montrer des films de festival, plutôt documentaires ou expérimentaux, de proposer de considérer le cinéma comme le lieu commun d'objets critiques divers, et que l'on peut trouver une méthode pour chaque film. Et ensuite, que l'on peut faire dialoguer ces méthodes.
Occitane Lacurie : C'est ce qu'on fait aussi sur le site. On héberge des films.
Corentin Lê : C'est comme si notre statut marginal faisait qu'on se rapproche de films qui sortent des clous, de films en marge du système.
Josué Morel : On peut se permettre de le faire. Par exemple, si un dossier un peu plus pointu ne rencontre pas un grand succès, à l’arrivée, on n'a pas perdu d'argent. Le fait qu'on ne soit pas dans cette logique industrielle, c'est aussi une force, on peut tenter des paris. Notre pauvreté a des avantages.
Nicolas Marcadé : Mais ça revient aussi à assumer que vous vous adressez à une niche ultra-cinéphile. Quand une revue papier tente un coup, lorsqu’elle peut le faire, elle s'adresse à une audience plus large.
Occitane Lacurie : C'est vrai.
Josué Morel : Il faut toutefois bien comprendre que l’accès même à une revue numérique n’obéit pas aux mêmes lois ; la comparaison avec les revues papier a ses limites. Pour Critikat et Débordements, il existe de nombreuses voies d'accès aux textes. Allociné, par exemple, où sont relayées les critiques des films attendus. Un lecteur qui consulte par ce biais la critique d'Athena peut ainsi voir passer le dossier que l’on a consacré à Godard. D’où l’intérêt que la critique s’exerce sur des objets variés et que l’on peut considérer de loin comme impurs. On a par exemple eu beaucoup de lecteurs pour le texte que Thomas Grignon a consacré au Flambeau, à mon avis pour la simple et bonne raison qu’il n’existe au fond pratiquement pas de papiers critiques à son sujet. Or, cela peut constituer une porte d’entrée vers autre chose. On peut dès lors se permettre de mettre en avant des textes plus spécialisés, répondant à une logique éditoriale pensée en amont, parce que l’on sait qu’une simple critique d’actualité peut à elle toute seule, sans autre intervention de notre part, attirer des lecteurs qui, du moins pour une partie, vont rester sur le site et consulter d’autres articles.
Corentin Lê : C'est aussi un horizon pédagogique. Dans mes cours, à l’Université ou dans des écoles de cinéma, je montre autant de blockbusters que de films expérimentaux. Et les étudiants sont très réceptifs à cette manière de ne pas forcément mettre des choses dans des boîtes.
Occitane Lacurie : Nous, on parle de Dune, et on fait aussi des entretiens avec des cinéastes qu'on a pu rencontrer au FID. On est attachés au fait qu'il y a des formes qui circulent, qu'on peut parler de tout ça en même temps.
Barnabé Sauvage : Le pouvoir prescripteur que je donnerais à Débordements serait peut-être celui-là : la défense chaque fois renouvelée de l'idée que le cinéma est un lieu commun pour des objets critiques divers, et que l'on peut trouver une méthode pour chaque film. Débordements désignerait l'endroit où l'on peut faire dialoguer ces méthodes.
Occitane Lacurie : La question de la “mort du cinéma”, qui était présente aux États Généraux, elle nous parle assez peu. Il y aura toujours quelque chose à interroger et à commenter, une vidéo sur YouTube...
Thomas Fouet : Mais quand il est question de la mort du cinéma, c'est seulement de la mort d'un certain modèle dont il est question : celui de la salle.
Josué Morel : Je crois fermement que le cinéma est dans une phase d’hybridation et qu'on ne peut plus le faire tenir entre les quatre murs de la salle. A mon avis, il n’est pas en train de disparaître, mais il est plutôt en train de se disséminer un peu partout ; l’enjeu désormais, c’est aussi d’aller le chercher là où il se trouve. C’est-à-dire dans les films qui ne sortent pas (plus) en salle, dans les séries, mais aussi potentiellement au sein d’autres formes, qui dialoguent directement ou non avec lui.
Occitane Lacurie : Nous, on était partenaires d'un festival organisé par Technopolice, sur la question de la surveillance. C'est un enjeu d'image.
Josué Morel : Ce qui est intéressant aussi, c'est la manière dont on parle des séries. La critique de cinéma s’en est emparée, mais en délaissant globalement les questions de forme que l’on se pose naturellement devant des films. Au risque de laisser s’installer cette idée mensongère que ce qui compterait, dans les séries, c’est le scénario, et qu’il ne faudrait pas leur en demander davantage.
Corentin Lê : Avant-hier, j'étais invité dans un TD d'écriture critique à Nanterre, et une étudiante s’est étonnée que l’on ait fait un débat critique, en vidéo, sur la série Euphoria. Elle ne pensait pas qu’on puisse l’aborder de cette manière... C'est pourtant l'une des séries les plus vues parmi les jeunes nés dans les années 1990-2000. Cela implique évidemment de s’adapter aux particularités de l’objet, mais on peut, voire il faut, s’en emparer.
Nicolas Marcadé : C'est drôle, vous dites que le cinéma ne va jamais mourir, et vous ne citez en exemple que des choses qui sortent du cadre de ce que l’on appelait jusqu’ici le cinéma.
Josué Morel : Pour nous, il y a une porosité très nette entre des films et des séries. Et je dirais même qu’il est intéressant et nécessaire, pour stimuler la réflexion et le lectorat, de sauter d'un objet à l'autre.
Corentin Lê : Se trouver dans cet état de reconfiguration peut à mon sens être bénéfique : vaciller pour mieux se réinventer. Les films vont, pourquoi pas, devoir se radicaliser davantage, de même que les discours critiques. Ce qui se fera à l’avenir, sans doute, c’est par exemple un cinéma hors des clous, fabriqué sur son temps libre.
Josué Morel : C'est comme pour les revues en ligne : il y a l’idée qu’une forme de cinéma alternatif serait possible, grâce aux évolutions technologiques. Ensuite, les problèmes matériels restent également les mêmes : je ne suis pas sûr qu’il soit si simple de faire des films sur son temps libre si l’on doit travailler à temps plein à côté.
Nicolas Marcadé : Est-ce que choisir le mode guérilla, pour les cinéastes comme pour les revues, ce n’est pas un peu faussement un choix radical, dans la mesure où ça revient finalement à prendre exactement la place que le système souhaite que l’on occupe : un tout petit coin très à la marge, où on jouera à dix sans déranger les grands ?
Occitane Lacurie : Je suis absolument d'accord. Et pendant ce temps, on investit de la force vitale. Donc tous les dix ans on manque de disparaître. La critique en ligne, c'est aussi un cimetière.
Corentin Lê : Il faut se poser la question, sans défaitisme : est-ce qu’il sera possible de faire encore la même table ronde sur la critique en ligne dans dix ans ?
Thomas Fouet : Pour faire un parallèle peut-être hasardeux, j'ai échangé, ces dernières années, avec des militants de gauche qui me disaient : de toute façon on sait que l'époque n'est pas propice aux idées qu'on porte, qu'il y a quelque chose qui ne prend pas, et on sait que notre responsabilité, c'est de faire en sorte que ces idées, et ces pratiques, qui pour l'heure sont très minoritaires, ne meurent pas tout à fait. Pour que, plus tard, une autre génération s'en empare à nouveau.
Josué Morel : Ça semble être une bonne conclusion : ce qu’il faut, c'est entretenir la flamme.
Occitane Lacurie : Oui, mais il faut quand même aussi la changer, la critique actuelle !
Propos recueillis par Thomas Fouet et Nicolas Marcadé
Dernière minute / Ce 19 décembre, Critikat et Débordements ont été informés qu’ils pourraient bénéficier de l’aide aux revues du CNC, à hauteur de 1500 euros chacun. Happy end ! |