« Je ne me suis jamais rangé dans la case “issu de la diversité” »
Par Mehdi Omaïs
Mehdi Omaïs est journaliste de cinéma
Le cinéma est clairement un langage universel. À quelques exceptions mercantiles, il n’a pas vocation à plaire à une certaine typologie de personnes. C’est un art qui rassemble, qui fait grandir et comprendre le monde et les autres. À mon sens, être critique n’est pas une question de race, d’origine, de là où l’on vient... Ces données peuvent effectivement façonner notre sensibilité, nous donner parfois une grille de lecture supplémentaire, mais elles ne doivent aucunement induire une catégorisation au sein même de notre profession. C’est ma manière de voir les choses, raison pour laquelle je ne me suis jamais rangé dans la case “issu de la diversité”. Ce n’est pas une question qui m’a animé. Je suis Libanais d’origine, Sénégalais de naissance et récemment naturalisé Français. Mais je suis avant tout critique et journaliste de cinéma. En y réfléchissant, ce sont véritablement les remarques des autres, de collègues, d’ami(e)s, etc., qui m’ont éclairci sur la représentativité des minorités dans ce secteur. On m’a maintes fois dit : « C’est rare de voir dans des émissions ciné -de radio ou télé- des Noirs, des Arabes, des Asiatiques… Pareil du côté des signatures de journaux en place… Comment ça se fait ? » À cette interrogation, je ne sais jamais quoi répondre. Et pourtant, in fine, il serait fou de nier cette réalité. À titre d’exemple, je ne connais quasiment aucun autre critique arabe - en dehors de ceux qui officient sur notre sol pour des médias étrangers (et non locaux). J’ignore combien nous sommes. Soyons clairs : je ne cherche pas à théoriser sur cette absence ou à jouer les juges en pointant du doigt. Mais les faits sont là et ne mentent pas : c’est loin d’être un point de vue. Si on l’analyse de manière purement factuelle et empirique la critique française, la diversité y est, sans l’ombre d’un doute, très peu représentée. Au même titre que les femmes ; il s’agit d’un milieu très masculin, avec dans ses fondations une certaine critique passéiste ayant pignon sur rue et vivant aujourd’hui comme elle vivait avant. On sent une chasse gardée masculiniste, qui donne parfois naissance, chez certains, à des comportements sexistes. Pour information, selon les chiffres du collectif 50/50, sur les 611 journalistes ayant rédigé au moins une critique entre mai 2018 et avril 2019, 37% sont des femmes (Ndlr : lire à ce sujet La critique de presse, majoritairement masculine, in La Lettre n°53). Je crois foncièrement que le regard que notre profession pose sur les œuvres de cinéma doit renfermer, dans sa globalité, une multiplicité de sensibilités : c’est là qu’est notre ADN commun.
Mehdi Omaïs