Une existence fabuleuse

par Léa Mysius

Pour moi, un film n’existe pas tant qu’il n’a pas été montré. Ava a existé ce matin-là dans la belle salle de cinéma de la Semaine de la Critique. Je me souviens du monde, de Noée, Juan, Tamara, Daouda et Baptiste, les comédiens qui riaient à côté de moi, nerveux et heureux. Je me souviens de l’excitation de montrer le film pour la première fois. De la présentation de Charles Tesson, de tous ces yeux dans la pénombre tournés vers l’écran. Le noir qui se fait. Et puis, avec Noée,  nous sommes sorties de la salle - parce que Cannes c’est aussi du travail, il fallait faire des interviews - et le film a existé sans nous. Il ne nous appartenait plus. C’est une sensation très étrange. À la fois un détachement et une surexposition de soi à travers un objet que l’on ne maîtrise plus.

La Semaine de la Critique a donc été pour moi le moment de lâcher prise. Accepter que le film prenne son indépendance, qu’il soit vu, perçu, jugé différemment par chaque personne.

Je l’ai ressenti comme un vrai moment de libération. Pas seulement parce que le film était terminé après de longs mois de travail, mais surtout parce que je le laissais vivre. Et pour cela,  le cadre de la Semaine de la Critique est parfait. Le film y est choyé, protégé et à la fois très bien exposé. C’est un endroit rêvé pour commencer sa vie.

Mysius