Avec le Clap, les attaché(e)s de presse prennent la parole

Par Valérie Ganne

Une soixantaine d’attachés de presse indépendants se sont regroupés en association au début de la crise du coronavirus. Une manière pour ce métier, lui aussi oublié par les pouvoirs publics, de se mobiliser pour l’après.

Depuis deux mois, les médias ont très bien relayé la création du Clap, Cercle Libre des attaché(e)s de presse de cinéma. Laurence Granec, présidente, Viviana Andriani, trésorière, et Chloé Lorenzi secrétaire, ont su mobiliser les journalistes sur leur situation… Mais les pouvoirs publics ont été plus lents à la détente. La création de cette association était en germe depuis quelques années et la crise actuelle a précipité sa concrétisation. La quasi-totalité des attaché(e)s de presse indépendants, ainsi que les petites structures de moins de quatre salariés, a répondu présent et le Clap compte une soixantaine de membres. C’est une profession que les critiques connaissent bien et côtoient quotidiennement (faut-il écrire, pour l’instant du moins, côtoyaient…). Avec la fermeture des salles et l’annulation en cascade des festivals, les attaché(e)s de presse de cinéma se sont retrouvés du jour au lendemain sans travail, comme nombre de critiques. Après deux courriers envoyés au CNC pour solliciter des mesures d’urgence, puis une première Laurence Granec  copie réponse écrite inadaptée, un échange par visioconférence a eu lieu mardi 19 mai. « Nous avons pu exposer nos demandes et inquiétudes mais nous avons senti que notre métier et son articulation n’étaient pas très familiers de nos interlocuteurs. Nous ne rentrons dans aucune catégorie d’aides. Aujourd’hui rien n’a encore bougé et les discussions risquent de prendre du temps » regrette Laurence Granec. « Nous avons été doublement impactés par la période avec l’annulation du Festival de Cannes, ajoute Viviana Andriani, un festival qui nous donne une visibilité de travail sur l’année. Même la labellisation des films potentiellement cannois ne nous apportera sans doute pas de contrats en tant qu’attachés de presse. 2020 se profile comme une année quasi blanche pour nous. »
Les attaché(e)s de presse ne demandent pas seulement un soutien financier, mais plus largement une visibilité à hauteur de leur contribution au secteur du cinéma : être impliqués dans les réflexions sur son évolution, faire entendre leur voix dans des commissions, des jurys. Et évidemment participer aux discussions sur la reprise des sorties en salles avec les différents corps de métiers.
Viviana Andriani copie « Notre mode de travail va changer à la réouverture des cinémas, souligne Viviana. Beaucoup de professionnels découvrent aujourd’hui notre métier, notre utilité, notre précarité, l’irrégularité de notre activité. Nous avons fait une étude auprès de nos adhérents pour synthétiser la façon dont chacun travaille aujourd’hui, sous quelle forme juridique, quelles sont nos pratiques commerciales… »
« La presse culturelle, ou spécialisée cinéma est, elle aussi, hyper fragilisée, reprend Laurence Granec. Le seul bénéfice qui ressortira de cette crise c’est de comprendre qu’on a intérêt à travailler ensemble et non pas chacun dans notre coin. »
Parmi les multiples incertitudes sur la réouverture des salles de cinéma, une seule certitude, les films des indépendants vont avoir besoin de communication. « La qualité de nos relations avec les médias et les journalistes va prendre encore plus d’importance, remarque Laurence Granec. Car le redémarrage accentuera certainement la difficulté à faire exister les films plus fragiles. Il faut vraiment se soutenir, être nombreux à défendre ce type de films. » Au redémarrage des sorties, les interviews de réalisateurs ou acteurs seront sans doute majoritairement virtuelles, les junkets collectifs (à bonne distance sociale) encore plus nombreux. « Mais il ne faudra surtout pas que ça devienne systématique, milite Laurence Granec. Et il ne faudra pas céder à la facilité. Le Syndicat de la critique pourrait travailler avec nous dans ce sens. » « On défend la qualité de la promotion, la parole d’un cinéaste, d’un auteur, le temps de l’interview pour que les journalistes aient de la matière. Il faut éviter qu’on lise ou qu’on entende la même chose partout » conclut Viviana Andriani. Le Clap espère que ses réflexions permettront au monde d’après de ne pas être, comme le suggérait Michel Houellebecq, « le même en un peu pire »…

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Valérie Ganne