DIANA BUSTAMANTE

Productrice (Burning Blue - Colombie)

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Pour moi, le cinéma est un produit de son époque, un témoignage qui s’exprime à travers toutes sortes de formes esthétiques et de narrations. Et donc, compte tenu de cette acception personnelle du cinéma j’envisage la critique comme l’ensemble des idées qui viennent répondre aux œuvres, et en particulier cinématographiques.

Dans mon propre parcours professionnel, qui m’a fait passer de la production à la création et même à la programmation, la critique a été essentielle. Mais je pense ici non pas à la critique liée aux événements médiatiques ponctuels mais à celle qui va bien au-delà de la simple revue. Je parle de la critique qui tisse des liens entre différents éléments au sein d’une constellation que parfois les créateurs ont du mal à discerner. 

C’est la critique qui porte une vision “claire et élargie”, pleine de sens, qui tisse du lien entre les différentes lignes : c’est le ou la critique qui unit le tout. L’exercice de la critique place le sentiment et la pensée à l’endroit-même où le temps, l’histoire et l’être humain convergent. Comme cela doit être difficile d’être critique ! C’est pourquoi, pour citer Luis Ospina, je ne suis qu’une “ouvrière du cinéma” et, depuis cette faible position, je réfléchis constamment au rôle de la critique : nécessaire, essentiel, c’est sûr, mais souvent brouillées par la notion de présence médiatique, par la célébrité, la mode et le vampirisme. Ce besoin constant de “nouveau” me fait peur, ce présent sans futur ni passé dans lequel nous semblons vivre. Cette forme “brouillée” de la critique lui impose d’être immédiate. Son empressement à “exister” (en d’autres termes, à être publiée) fait d’elle une critique de l’instantané, du flash info, ce qui a souvent des conséquences néfastes, en particulier pour les films fragiles, en marge, qui paradoxalement sont ceux qui ont le plus besoin de critique et de validation.

D’un autre côté, quel bonheur de découvrir des discours qui reconnectent ensemble différents éléments de la constellation “historique”, au lieu de se focaliser systématiquement sur les moments charnières, comme si les films étaient isolés les uns des autres. Quel bonheur de trouver de la beauté et du sens dans les choses les plus simples ! Ce processus critique qui prend sa source dans une perception immédiate mais prend le temps de se développer est, à mon sens, celui qui profite le plus aux réalisateurs et aux spectateurs.

L’exercice de la critique est un bel art, que l’on craint parfois, compte tenu de la fragilité de ce que l’on fait et de la façon dont la critique peut le valider aussi bien que le détruire. Mais c’est là que je prends conscience de ce qu’est le travail de création, et du fait qu’il ne prend sens qu’au contact des autres : de la critique, bien sûr, mais aussi de tous ceux qui vont prolonger le chemin, discursif et formel, que nous, fabricants de films, avons emprunté. 

Diana Bustamante