MICHÈLE HALBERSTADT
Productrice (ARP Sélection - France)
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« De la critique, les créateurs apprennent beaucoup de choses sur leurs films. Il est toujours intéressant de savoir comment est regardé son film, comment les spectateurs le reçoivent et le comprennent. La critique apparaît comme le premier public des films. Elle opère comme une sorte de premier filtre.
Il faut accepter la liberté de la critique, quand on est cinéaste, producteur ou distributeur. Il faut accepter ce risque. Comme souvent la critique effraie, comme elle peut être violente quand elle est négative, il est tentant de vouloir l’orienter, l’influer, ce qui est une erreur. Chacun doit rester à sa place.
Le métier de critique est un métier de passeur : il requiert de la curiosité et de la générosité. Il ne faut pas être poseur, ni faire de grands discours, mais être au service de l’œuvre. La critique ne doit jamais perdre de vue le film lui-même. Elle n’est pas là pour exister sur le dos des films : il ne s’agit pas d’écrire sur les films pour exhiber sa prose, pour exister, pour se faire remarquer. Même quand on n’aime pas un film, il ne faut jamais oublier que le cinéaste qui fait un film le crée avec sincérité, non pas avec cynisme ou calcul. On est sérieux quand on fait un film.
La critique a parfois du mal à atteindre le spectateur, à le convaincre d’aller au cinéma, à lui donner envie de voir un film. Une bonne critique est celle qui va susciter un désir, rendre curieux le spectateur, qui voudra alors voir le film et découvrir ce qu’il en pense lui-même.
La critique aide ou abîme. Elle peut détruire des films, traumatiser des cinéastes, les empêcher. David Lean s’était arrêté pendant 10 ans après avoir été étrillé par la très influente critique cinéma du New Yorker, Pauline Kael, qui avait descendu La Fille de Ryan, en 1970. Ce n’est pas un cas isolé. Je me souviens qu’en 2007, Wong Kar-Wai avait fait l’ouverture du 60e festival de Cannes avec My Blueberry nights. Deux jours plus tard, il m’avait appelée, ébranlé par une critique qui se demandait s’il était devenu “ringard”.
En revanche, quand la critique aime un film, c’est évidemment formidable. Sans la Semaine de la critique, sans le soutien critique qui a suivi, Séjour dans les monts Fuchun de Gu Xiaogang, jeune cinéaste chinois, n’aurait pas eu de place. Sans la critique, ce film venu de nulle part, cet auteur que personne ne connaîssait, seraient restés dans l’ombre. »
Propos recueillis par Nathalie Chifflet